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TONIGHT, MY HOME IS YOUR HOME

Dernière mise à jour : 5 avr. 2023


Je l'avais vu devant la grille. Elle avait sa valise et son sac. Elle semblait triste et nerveuse. En formation, je ne pouvais pas ouvrir, je devais attendre que la titulaire le fasse. Et puis il n'était pas 14h tapantes ... Alors, quand quelques minutes plus tard, la porte s'ouvrit et que ma collègue était installée à son poste d'accueil, cette jeune femme à la valise se dirigea vers elle. Moi, assise et cachée dans le bureau derrière, j'entendis toute la conversation. Celle d'une américaine en visite à Bayeux pour 36h dont le retour en train fut annulé pour cause de grève nationale. Elle devait se rendre à Paris ce soir et avait déjà payé ses trois prochaines nuits d'hôtel. Malheureusement, la colère des français et ses conséquences avaient des répercussions sur cette Américaine, au joli prénom français. Ma collègue tenta de l'aider comme elle le pût en lui suggérant de faire appel à blablacar. Ne pouvant lui consacrer beaucoup de temps, elle lui suggéra de s'installer à l'endroit destiné aux touristes et accueillit la personne suivante. De mon siège, je voyais cette Américaine, toute tremblante, essayant de réserver un blablacar pour Paris. Pas simple. Alors, c'était plus fort que moi, je devais aller l'aider. J'ai du demander l'autorisation à ma collègue qui semblait gênée car j'ai su, après, que si la chef avait été là je me serais fait taper sur les doigts. Il est en effet pas vraiment accepté que l'on consacre beaucoup de temps à une touriste en galère. Notre rôle est de lui donner les infos pour qu'elle se débrouille, puis on doit passer à autre chose. Ce qui peut se comprendre quand on sait la quantité de touristes se rendant dans le bureau mais, parfois, il y a des situations que je ne peux pas laisser passer. J'ai donc passé près de 40 mns à ses côtés, à lui trouver un blablacar pour Paris. Le seul au départ de Bayeux terminait sa course à Saint Maure des Fossés. Aussi, j'ai du envoyer un message au conducteur lui demandant de faire une exception et de s'arrêter dans Paris. Ceci fait, je devais retourner en formation et suggérai donc à l'Américaine, qui avait trois heures à tuer et me demanda où boire un thé, de se rendre aux Volets Roses. Nous avions échangé nos numéros et vers 17h je décidai de lui envoyer un message pour savoir si tout allait bien. Dépitée, elle m'annonça que son blablacar venait d'être annulé. La question ne se posait plus pour moi. Je l'hébergerai pour la nuit. C'est alors que je la retrouvai à la gare à 18h. Elle venait de réserver le seul train assuré, qui partirai le lendemain matin à 6h40.

C'était touchant de la voir émue par mon invitation. Debout devant ma voiture en warning, elle me regarda avec des yeux presque humides. Je la pris dans mes bras et elle me serra fort comme le font les Américains quand ils vous font un "hug". Je lui ai dit "pleure, je crois que tu en as besoin; ce qu'elle fit mais de façon assez pudique. "Tu peux souffler maintenant, tu n'es plus en galère, c'est le principal." Après avoir acheté deux bonnes traditions tout juste sorties du four, être passées chez le fromager puis chez Fresh, nous étions parées pour une soirée à la française. Cette soirée fut délicieuse, improvisée, originale. Satisfaire ses papilles lui apporta un peu de réconfort après cette journée qui l'avait nerveusement épuisée. Je connaissais cette femme depuis quelques minutes à peine mais déjà des affinités et surtout des points communs étaient évidents. Je fis tout pour la mettre à l'aise à la maison en lui préparant une chambre, salle de bains et en lui disant : "tonight, my home is your home". Le lendemain matin, après un bon petit déjeuner, je la déposai à la gare pour son train de 6h40. Nous avons immortalisé notre rencontre par une photo, à sa demande. J'étais ravie même si nous aurions dû la prendre la vieille, j'étais un peu plus fraiche et apprêtée ;-)

Cette jeune femme de 37 ans, maman d'un bébé, et traversant une période difficile de sa vie, était venue se ressourcer en France et se retrouvait seule à affronter une difficulté, dans une langue étrangère et sans connaitre les diverses solutions. Je ne lui ai même pas demandé pourquoi elle n'avait pas réservé une nuit d'hôtel supplémentaire sur Bayeux. C'était un non sujet en fait. J'ai aimé rencontrer cette femme, lui rendre service, parler des USA. Je suis connectée avec ce pays, et comme je ne peux pas y aller pour le moment, et bien il vient à moi ! Dans le chaos que nous vivons en ce moment, de belles choses arrivent. Comme m'a dit Edith, si elle n'avait pas eu cette galère d'annulation de train, on ne se serait pas rencontrées. La face positive est toujours derrière la face négative, tout dépend comment on voit, ou comment on décide de voir les choses. Les contraintes professionnelles ne m'ont pas autorisées à faire ce que j'ai fait mais l'humain passe avant tout et ça ne fait de mal à personne. Alors soyez vous même, faites ce que vous dicte votre coeur, et si c'est que du bon, ignorez les injonctions extérieures.

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