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CRABE OU LÉGUME ?

Dernière mise à jour : 24 mai 2023


Elle est belle.

Elle est forte.

Elle est solaire.

Elle est pleine de vie et pourtant ... à l'aube de fêter ses 70 ans, un petit crabe vient lui rendre visite. Mais elle ne se laisse pas abattre pour autant. Bien sur qu'elle a des coups de blues, mais ça y est, la guerre est déclarée et elle ne compte pas la perdre. Et puis de toutes façons elle a quand même très peu de risque de perdre. Elle a pris les armes et même si ça la fatigue, beaucoup, ça ne la tue pas. Et c'est acté, le crabe va retourner de là où il vient, au fond de l'océan. Car c'est franchement pas le moment, elle a encore beaucoup de choses à faire !! Des voyages, des virées entre potes, des câlins à ses amours, aller au théâtre et au cinéma, de la couture ... bref ... vivre ! Non mais ! Pour qui il se prend celui là à venir l'emmerder dans ses projets ?!

Et comme une merde n'arrive jamais seule, sinon ce ne serait pas drôle, sa moitié perd la boule. Depuis un certain temps certes mais la situation s'aggrave très sérieusement. Donc comme elle ne peut pas être infirmière et patiente, elle a pris la décision de la confier entre de bonnes mains. Auprès de ceux qui savent gérer les légumes en devenir. Car, même si c'est inaudible pour certains, Alzheimer vous plonge inexorablement dans un état végétatif. Il faut penser aux autres, au conjoint et aux proches. Comment peut on envisager de consacrer des années entières de sa propre vie à une personne qui devient totalement dépendante et dont le cerveau ne fonctionne plus ? Comment accepter l'idée de payer 3000 euros par mois pour placer cette personne, que l'on aime plus que tout au monde, dans un mouroir ? Comment voir son amour conscient de sa situation et hurler avec ses yeux de le laisser partir, en le débranchant, l'étouffant, le piquant et ne rien pouvoir faire car la société le refuse ? Cette situation n'est une vie pour personne. Ni pour le malade, ni pour les membres de sa famille et sans doute pas plus pour les soignants qui, objectivement, sont payés pour subvenir aux besoins les plus élémentaires de personnes qui existent que par leur nom.

Ai-je perdu tout sens commun ? Ai-je perdu la valeur de la vie ? Non, bien au contraire, je crois que j'aime tant la vie que je ne peux supporter que l'on maintienne en vie des personnes qui ne vivent plus. Durant leurs rarissimes moment de lucidité, ils prennent conscience de leur état et cela engendre une douleur psychologique incommensurable. Au nom de quoi peut on accepter d'infliger cela à celui ou celle que l'on aime ? Au nom de la vie ? Elle est si courte, si fragile, il n'y a pas une minute à perdre et la consacrer à une personne qui ne sait même plus qui vous êtes est tout simplement inhumain pour tout le monde. Comment se fait il que l'euthanasie ne soit pas davantage dans nos moeurs ? Nos politiques en parlent ... mais tout reste très compliqué. Pourquoi cette société judeo-chrétienne prône le respect de la vie d'une personne qui ne vit plus et qui, par sa condition, ôte involontairement de la qualité de vie à ceux qui l'assistent ? La vie doit elle être faite que de jolies choses ? Non. Evidemment que l'on traverse des difficultés, mais on les surmonte. Mais quand la pire chose arrive, à savoir le dysfonctionnement total de votre cerveau, avec l'issue fatale, faire vivre des années de souffrance aux proches, des années à payer pour maintenir et gérer la souffrance du malade, est ce humain ? La question est posée et la réponse me semble des plus évidentes.

Je ne suis pas médecin, mais ce que je sais c'est que la dégénérescence du cerveau est la seule maladie qui vous ôte la vie en vous laissant vivant.

Nous ne choisissons pas de naître, nous devrions à minima pouvoir choisir notre mort, sans aucune obstruction possible. Et nos proches doivent être en mesure de dire stop si nous n'en sommes plus capables. Et l'arrêt de l'abject maintien en vie doit se faire en quelques heures, tout au plus quelques jours après la décision.

A la place de cela, la loi nous impose d'accepter l'inacceptable.

Voila maintenant une semaine que j'ai écrit ce que vous venez de lire. Mais je n'ai pas publié car peu me lisent et que ce sujet n'est pas léger. Puis, aujourd'hui j'ai lu un post de l'auteure Virginie Grimaldi, qui raconte la fin de vie de son père pris par cette mémoire qui vous laisse le cerveau vide de souvenirs et de nos capacités cognitives. Et, comme beaucoup, nous avons la même conclusion : à quand le "simple" droit de décider de mourir quand le vie n'est plus la vie ?


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